Nous avons vu précédemment que les tests de corrosion électrochimiques ne donnent pas de résultats fiables dans le cas des dépôts métalliques. Les seuls tests en usage, en milieu industriel, sont le test au brouillard salin ou les tests basés sur le brouillard salin avec des cycles alternant séchage et immersion. L'exposition en site naturel, malgré la longueur de la réponse, reste le test dont les résultats sont les plus proches de la réalité.
Le groupe P.S.A. dispose d'un site de corrosion naturelle à Palavas (Hérault) situé en bord de mer Méditerranée. Les échantillons exposés sur ce site supportent une atmosphère marine fortement chlorée, un ensoleillement important, la présence d'embruns et de rosée matinale. L'exposition à ces facteurs climatiques naturels constitue un test grandeur nature pour les échantillons mis en exposition. La succession de ces cycles climatiques peut former ou dissoudre des produits de corrosion plus ou moins protecteurs. L'évaluation à la tenue en corrosion d'un nouveau type de revêtement se fait par comparaison avec des échantillons dont les comportements sont connus. Les échantillons sont fixés sur un support à 45° du sol et subissent une inspection visuelle régulière pour détecter l'apparition des symptômes liés à la corrosion comme, par exemple, l'apparition de rouille blanche puis rouge pour les aciers revêtus de zinc.
Les échantillons de zinc-manganèse qui ont subi le test de corrosion naturelle ont été élaborés au centre technique PSA Peugeot Citroën de Vélizy en Septembre 1993 par P. Martin sur des plaques d'acier.
La composition du bain d'électrolyse est
² ZnCl2 : C = 60 g l-1
² MnCl2 : C = 112 g l-1
Base C = 30 ml l-1
² Additif B :
Brillanteur C = 6 ml l-1
² NH4Cl : C = 264 g l-1
La composition moyenne initiale de ces échantillons en manganèse est évaluée par fluorescence X à 8 %. Or, nous avons vu précédemment, que la fluorescence X est utilisable pour mesurer l'épaisseur du dépôt mais que la détermination de la teneur en manganèse n'est pas fiable (cf. § II) 3 .4).
Quatre échantillons ayant une épaisseur initiale de 12 ou 5 mm ont été exposés. Ces échantillons ont été prélevés, afin de les analyser, à deux dates différentes avec des durées d'exposition de un an et 3 mois ou 2 ans et 6 mois.
Les quatre échantillons présentent une couleur uniforme brun vert avec un aspect mordoré. On note l'absence de toute trace de rouille blanche et rouge.
L'évaluation semiquantitative de la teneur en manganèse est effectuée en utilisant la microanalyse X. Le tableau suivant présente les caractéristiques et le pourcentage en manganèse des dépôts.
Echantillon |
Durée |
Epaisseur |
% Mn |
% Mn en |
|
d'exposition |
initiale |
Atomique |
Masse |
A |
1an 3mois |
12 mm |
4,0 |
3,5 |
B |
2 ans 6 mois |
12 mm |
14,5 |
12,5 |
C |
1an 3mois |
5 mm |
11,8 |
10,2 |
D |
2 ans 6 mois |
5 mm |
13,5 |
11,7 |
Tableau 1: Caractéristique des dépôts exposés en corrosion naturelle.
L'échantillon A présente un pourcentage de manganèse très inférieur aux autres. L'importance de l'écart n'est pas cohérent avec les variables présentées dans le tableau. Un tel écart est sans doute imputable à un problème durant la phase d'élaboration du dépôt. Les trois autres dépôts présentent des pourcentages de manganèse nettement supérieurs à 8%, taux donné initialement. Nous pouvons émettre deux hypothèses pour expliquer ce phénomène.
Les mesures du
pourcentage initial de manganèse par fluorescence X peuvent être mises en
cause. En effet les résultats donnés par cette technique sont erronés à cause
de la superposition des pics du fer et du manganèse (cf. § II) 3.4)
A cause de la faible
profondeur d'analyse (~1 mm), on peut faire l'hypothèse d'une augmentation réelle du taux de
manganèse suite à un enrichissement en surface de cet élément.
Pour déterminer la validité de la seconde hypothèse nous observons les coupes transversales.
La coupe transversale de l’échantillon B est représentative des échantillons B, C et D. Les observations seront faites sur les coupes A et B. Pour référence la figure 60 montre une coupe micrographique et une cryofractographie du dépôt non exposé. La structure est colonnaire et l’épaisseur du dépôt de 9 µm. Une cartographie X montre une bonne répartition du zinc et du manganèse.
Les dépôts A et B ont une épaisseur de 11 µm. Ce résultat est surprenant à deux égards :
les deux dépôts ne
présentent pas une diminution significative d’épaisseur, malgré, pour le dépôt
B, une exposition de 2 ans et 6 mois ;
le dépôt A, qui ne contient
que 4% de manganèse se comporte de la même manière que le dépôt B (14,5% Mn).
A titre de comparaison la vitesse de dissolution d’un dépôt de zinc en corrosion naturelle est de 2 à 3 µm/ an. Ces résultats semblent suggérer que le manganèse permet une excellente résistance à la corrosion, et que cette résistance n’est pas directement corrélée à la quantité de manganèse contenue dans le dépôt.
Figure 60 : Microgaphie de la coupe transversale
et cryofractographie d'un revêtement non exposé.
Figure 61 : Microgaphie
de la coupe transversale du revêtement B.
La figure 61 est une micrographie de la coupe transversale du dépôt B. Ce dernier est constitué d’une première couche de environ 8 µm de type colonnaire. La deuxième couche (environ 3 µm) est plus compacte. Une cartographie X montre une répartition non homogène du manganèse : la couche proche du substrat est plus riche en manganèse que la deuxième couche. La cartographie révèle une troisième couche, très riche en manganèse. Les schémas suivants résument cette analyse.
Figure 62 : Représentation schématique de la cartographie X des
échantillon A, B, C, D.
La plus faible proportion de manganèse dans la deuxième couche ainsi que la présence de la concentration élevée en espèce manganèse à la surface du dépôt, pourraient confirmer une dissolution préférentielle du manganèse et une accumulation en surface de manganèse sous forme de produit de corrosion. La confirmation nécessite une étude des composés de surface.
Deux modes sont utilisés, le mode couplé et le mode rasant. La diffraction de rayons X en mode rasant permet de mettre en évidence les composés de surface.
Les figures 63,64,65,66 présentent les diagrammes de diffraction des échantillons A, B, C, D. L'ensemble des diagrammes de diffraction met en évidence la coexistence de plusieurs phases cristallines avec des intensités relatives différentes.
Tous les diagrammes de diffraction, obtenus en mode couplé, mettent en évidence la présence d'une série de pics aux angles : 41,2°, 41,5°, 41,8°, , 42,5°, 42,7°, 43,3°, 43,9°, 51°, 53,1°
Ces pics correspondent à la fiche JCPDS n° 34-1314 du z-Fe-Zn qui est isostructurale à la phase z -Mn-Zn .
Les diagrammes de diffraction des échantillons B, C, D présentent des pics aux angles :40,4°, 42,2°, 56,2°, 67,3°, 74,6°.
Ces pics correspondent à la fiche JCPDS n° 13-0578 du FeZn7 également isostructurale à la phase d1-Zn-Mn.
Le tableau 3 regroupe les résultats.
Echantillon |
% Mn |
Phases en RX couplé |
RX Rasant |
||
|
Atomique |
Zn |
d1-Mn-Zn |
z -Mn-Zn |
|
A |
4,0 |
Oui |
Non |
Oui |
traces de Mn8O10Cl3 |
B |
14,5 |
Non |
Oui |
Oui |
traces de Mn8O10Cl3 |
C |
11,8 |
Non |
Oui |
Oui |
Amorphe |
D |
13,5 |
Non |
Oui |
Oui |
Amorphe |
Tableau 2:
Caractérisation
des échantillons exposés en corrosion naturelle.
Le diagramme de diffraction A est le seul de la série qui présente des pics de zinc. Ce dépôt est biphasé, il contient une phase majoritaire de zinc, et une phase z-Mn-Zn. La comparaison des intensités relatives confirme la faible teneur en manganèse du dépôt. Ce diagramme de diffraction révèle aussi la présence de traces d'oxychlorures de manganèse (Mn8O10Cl3 , Fiche JCPDS 30-0821).
Figure 63,64
Figure 65,66
Les diagrammes de diffraction B, C, D présentent deux phases de zinc-manganèse d1 et z avec des valeurs relatives variables. Pour ces échantillons, le zinc ne cristallise pas individuellement. On note également la présence de traces d'oxychlorures de manganèse sur le diagramme de diffraction B.
Afin de mettre en évidence des phases d'éventuels produits de corrosion en surface nous procédons à une diffraction de rayons X en mode rasant. Le mode rasant permet de détecter des composés sur une épaisseur de l’ordre de 0,1 µm. Les diagrammes de diffraction nous donnent deux types de résultats.
Pour les échantillons A
et B, les diagrammes de diffraction obtenus en mode rasant sont identiques aux
diagrammes de diffraction obtenus en mode couplé.
Les diagrammes de
diffraction C ( Figure 67) et D ne comportent aucun pic de diffraction. La
surface est recouverte d'une fine couche de produit complètement amorphe dont
la nature chimique ne peut pas être caractérisée par cette technique.
Cependant nous pouvons établir une relation entre la présence de cette phase amorphe et l'absence de trace de Mn8O10Cl3 sur les diagrammes de diffraction effectués en mode couplé. En effet, chaque dépôt comporte soit une phase amorphe, soit des traces de Mn8O10Cl3.
La diffraction de rayons X met en évidence la présence de phase de zinc-manganèse dans les dépôts. Dans deux cas, on note la présence de traces de produit de corrosion (oxychlorures de manganèse). Dans deux autres cas, les dépôts semblent recouverts d'une couche fine amorphe. Pour déterminer la nature de chimique de cette couche nous avons recours à une nouvelle technique : La spectrométrie de photoélectron de rayons X (X.P.S).
figure 67
Une analyse en X.P.S. est effectuée sur les échantillons B, C, D. Cette analyse donne trois résultats :
Le principal composant
de la surface est du zinc. Ce zinc se trouve uniquement à l'état métallique. Ce
résultat est très important car il démontre que le manganèse remplit son rôle
sacrificiel en empêchant la réaction d'oxydation du zinc.
Le deuxième composant de
la surface est du manganèse sous forme de dioxyde MnO2 . Or, nous
n'observons pas cette phase sur les diagrammes de diffraction de rayons X. Le
dioxyde de manganèse pourrait être le constituant de la couche amorphe.
On note également la
présence de groupes carbonilyques et carboxyliques qui proviennent des
additifs. Cette observation montre que des molécules d'additifs sont piégées
dans le dépôt durant l'élaboration.
Les revêtements de zinc-manganèse exposés en corrosion naturelle ont une très bonne résistance à la corrosion (absence de rouille rouge ou blanche). L'épaisseur des dépôts est du même ordre de grandeur qu'à l'origine. Les dépôts sont composés de deux phases d1 et z de zinc-manganèse. Des échantillons correspondant aux dépôts que nous avons analysés sont toujours sur le site de Palavas. La dernière observation, 4 ans après la mise en place, ne montre aucun changement dans l'aspect des échantillons. La résistance à la corrosion n'est pas directement liée au pourcentage de manganèse dans le dépôt, par contre elle semble liée à la présence d'une couche superficielle de dioxyde de manganèse amorphe ou à la présence d'oxychlorures de manganèse. Cette couche due à la dissolution préférentielle du manganèse, forme une couche protectrice qui empêche la dissolution du dépôt comme le montre l'absence d'espèces zinc oxydés.
Conclusion
Le but de ce travail était d'étudier:
ü la préparation de revêtements zinc-manganèse, sur acier, en milieu chlorure d'ammonium par électrocristallisation
ü leur comportement en corrosion.
La première partie de ces recherches, concerne l'étude de la cinétique d'électrocristallisation, elle montre que:
Sans additif, la
codéposition du zinc et du manganèse est normale. L'élément dont le potentiel
est le moins actif (l'espèce zinc) se réduit au même potentiel que dans un bain
ne contenant que l'espèce zinc. Pour réduire l'espèce manganèse, il faut se
placer dans une zone de potentiel cathodique par rapport à –1520 mV/ecs.
L'introduction de
l'additif dans le bain contenant les espèces zinc et manganèse modifie les
paramètres cinétiques du système. L'aspect le plus intéressant des
modifications est l'augmentation importante de la surtension de formation du
zinc. Cet accroissement de surtension permet d'atteindre une zone de potentiel
où la réduction des deux espèces électroactives est possible. L'additif impose
un nouveau contrôle cinétique et permet de préparer un alliage zinc-manganèse.
La seconde partie est consacrée à l'élaboration de dépôts de zinc-manganèse dont la teneur en manganèse est comprise entre 0 et 15 %. La présence de l'additif dans le bain change de manière radicale la morphologie du dépôt et diminue la taille des cristallites. L'analyse par diffraction de rayons X montre que les dépôts sont constitués des deux phases d1 et z de l'alliage zinc-manganèse. L'étude des dépôts par impédance électrochimique, permet de mettre en évidence une différence significative des valeurs de résistance de transfert de charge entre les dépôts de zinc et les dépôts de zinc-manganèse dont les teneurs en manganèse sont supérieures à 10%. Cette grandeur étant corrélée au courant de corrosion, nous pouvons
espérer une diminution significative de la vitesse de dissolution du dépôt. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que cette grandeur peut évoluer au cours du temps notamment en cas de dissolution sélective du manganèse. Cette étude ne donne qu'une indication à un moment précis, il est donc très délicat d'extrapoler les conclusions de cette partie au comportement général des dépôts en corrosion.
La troisième partie, consacrée à la caractérisation des revêtements de zinc-manganèse exposés en corrosion naturelle, montre que ces dépôts ont une très bonne résistance à la corrosion (absence de rouille rouge ou blanche après quatre années d'exposition). Cette résistance à la corrosion n'est pas directement liée au pourcentage de manganèse dans le dépôt. Par contre, elle semble liée à la présence d'une couche superficielle de composés amorphes du manganèse, ou à la présence d'oxychlorures de manganèse. Cette couche protectrice due à la dissolution préférentielle du manganèse empêche la dissolution du dépôt. L'analyse XPS montre effectivement la présence de Manganèse oxydé et de zinc à l'état métallique.
L'ensemble des résultats obtenus durant cette étude peuvent être résumés en deux points :
L'élaboration de
revêtements de zinc-manganèse, en présence d'additif, est possible dans des
conditions applicables en milieu industriel.
Malgré une teneur en
manganèse inférieure à 15%, ces revêtements montrent une amélioration
significative du comportement à la corrosion par rapport à des revêtements de
zinc pur ou autres types de zinc alliés.
Ces deux aspects constituent deux avancées notables dans la course à l'obtention de revêtements de zincs alliés de plus en plus performants. La meilleure compréhension de la cinétique d'électrocristallisation ouvre la voie à l'optimisation des bains (formulation de nouveaux additifs). De plus, la mise en évidence du comportement exceptionnel en corrosion naturelle des revêtements zinc-manganèse à faible teneur en manganèse (inférieure à 15%) relance l'intérêt pour ce type de zinc allié.